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30 janvier 2011

Pastiche ou à la manière de...

Monsieur Guitry, il transpire dans vos pièces comme un parfum de misogynie, une espèce de mépris envers les femmes.

Guitry : Cher monsieur, pour éluder un premier malentendu, vous devez savoir que le texte que je prête à mes personnages, en l'occurrence les femmes, puisque c'est d'elles dont il s'agit, ne reflète pas toujours mon opinion, mais je dois accepter cette contrariété pour les besoins de la pièce. Un auteur dramatique qui a écrit une vingtaine de pièces sur les femmes se voit souvent dans l'embarras d'exprimer, tour à tour, pour la nécessité du dialogue, des idées auxquelles il n'adhère pas toujours, tour à tour, défenseur et détracteur, il est pris dans cette contradiction indépassable ; mais l'ironie, c'est qu'il parvient à faire triompher des idées auxquelles il est assujetti alors qu'il ne les partage pas et qui de surcroît vont contribuer au succès de sa pièce. Il arrive donc souvent que je sois en désaccord profond avec les pensées de mes personnages, d'en désapprouver les dires que j'ai moi-même créés et de me trouver dans cette position désobligeante et fort désagréable de se dire que le succès de la pièce repose précisément sur une réplique que le dramaturge par ailleurs réprouve et condamne. Ainsi d'une pièce où j'avais mis dans la bouche d'un de mes personnage cette formule amorale que j'avais empruntée à monsieur de la Fontaine, à savoir que « la fidélité ne pouvait être une qualité humaine car une qualité dont ne bénéficierait qu'un seul être à la fois ne saurait être une qualité ; l'indulgence voilà la qualité ! N'être pas l'ennemi des plaisirs de l'autre. », cette phrase à elle seule, qui ne servait qu'à la cohérence du texte, je me suis appliqué à la faire applaudir tous les soirs tout en la reniant. C'est dire combien, il est difficile, voire impossible d'être juste et équitable, justement équitable sur le sujet qui vous tient le plus à cœur, à savoir les femmes et l'amour... Je sais qu'on dit de moi que je mets de ma vie privée dans mes pièces, cela est absolument faux, ne serait-ce que pour les raisons que je viens d'évoquer plus haut...

Ce premier point étant écarté, revenons « sur » cette grande affaire que sont les femmes et qui a occupé toute ma vie. Mon père disait à juste raison qu'on ne pouvait parler de l'amour et du théâtre qu' « à bâtons rompus », j'ajouterai aujourd'hui que l'on ne parler que des femmes qu'à bâtons rompus sur leur dos. « Car parler des femmes, c'est en dire du mal, quelque bien qu'on en pense. »

L'inconvénient de dire du bien de quelqu'un, c'est que cela ne fait pas pièce, à peine réplique et rarement recette... D'ailleurs, dire du mal des femmes, c'est déjà manifester l'intérêt qu'on leur porte à en parler longuement et montrer par là, leur importance et la place qu'elles tiennent dans notre lit. Si je n'aimais pas les femmes, pensez-vous qu'elles auraient été le seul et unique « d'ébat » de ma vie ? Soyons sérieux et parlons comme entre amis, sans fausse réserve, tenez imaginer que nous soyons assis maintenant devant un bon feu, je vous dirais cela de façon imagée : «  croyez-vous qu'on passerait sa vie à faire reluire un objet dont on ne serait pas épris ? »...

Pour répondre aux questions que je me suis posée sur les femmes, j'en ai conclu que j'éprouvais une véritable passion pour la femme mais que j'avais de l'aversion pour les femmes. Je m'explique. D'abord, j'éprouve un certain malaise à être avec une femme, car on ne sait jamais ce qu'une femme pense, et si elle pense quelque chose... Mais ce qui me dérange le plus, c'est leur manque d'indulgence... entre elles. Leur médisance congénitale. Elles font haro sur la première qui passe pendue au bras d'un homme, « non mais regardez-là, je ne lui donne pas un an pour rester à ce bras-là. », les hommes se laissent attraper comme des mouches... En revanche vous ne les verrez jamais s'en prendre à une pauvre hère battant du talon seule dans un salon. Devant la solitude, elle sont animée de la plus grande compassion. Il faut bien leur reconnaître des qualités de cœur, dont souvent nous, les hommes, égoïstes et vaniteux, sommes peu prospères. Il y a eu une qualité ou un défaut qu'il faut leur reconnaître, c'est d'être mythomanes, des expertes en mensonges, elles aiment mentir mais détestent qu'on leur mente, de toute façon, nous, les hommes, lorsque nous mentons, notre accent nous trahit...C'est un peu comme si nous parlions une langue étrangère. Alors que pour les femmes, ce don pour cette langue étrangère est inné... C'est pourquoi elles nous sont bien supérieures dans la comédie, là où l'homme a besoin d'apparat pour paraître vraisemblable, il nous faut nous fabriquer une tête ; elles, disent les choses à visage découvert, sans fard, ni artifice, nu. J'en ai souvent fait l'expérience, mais le souvenir le plus marquant est celui où je devais incarner Napoléon III : je me suis apprêté d'une épaisse moustache, d'un bouc bien ciré, d'un monocle bien collé, pour avoir l'air ressemblant, quand il a fallu donner la réplique à Marie Antoinette, Sarah Bernhardt était Marie Antoinette...ou l'inverse.  

Si je devais faire un vœu, un seul, c'est que les femmes soient plus aimables... entre elles, et plus aimables tout court, elles se feraient davantage aimer...

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