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« Il y a des paroles lourdes comme des cercueils », nous
confies-tu dans ce livre « traduit du silence », et où l’on revient
de façon lancinante avec un furieux désir de partir : « Partir !
Partir ! », Pour la seule raison, dis-tu, que « tu écris moins
bien », que ta force s’est « ennuagée ». Oui, Estève n’est plus
là, et qui pourrait encore t’entendre sinon ce vent qui se lève. « Cette
brisure n’a pas de sillage.» Où en sommes-nous avec notre cœur, avec l’espace
et le temps, avec nos blessures qui nous jettent au seuil des choses inertes à
une heure moins dix, le jour suivant, quand la nouvelle a pris statut en notre
tête déjà en baisse… Comment fait-on avec ceux qui restent, aux mains hideuses,
accablantes, sourdes à ce qui ne reviendra plus ?
Comment se consoler de la
perte d’un être cher, c’est un crépuscule en plein jour, un crépuscule qui
prend le pas sur tout horizon ensoleillé, ce soleil devenu intolérable, et
presque insultant eu égard à la mélancolie qui nous protège de toute agression.
On ne peut plus être frappé qu’on « y » est plus. On se calfeutre en
soi pour ne pas s'écarteler soi, c'est dans cette tension teintée de clair
obscur que l'on se sent encore "au mieux". La métaphore de la
mélancolie est le rideau si prisé par Baudelaire qui s’enfermait dans l’hiver…
Comment se consoler de la perte de qui nous a été greffé au cœur ? Il faut
accepter et la mort de l'autre et la nôtre que nous vivons inexorablement comme
une petite mort. Que reste-t-il sans ce verbe impotent qui fait taire le
désespoir le temps d’une nuit à la seule fin de sombrer dans l’oubli d'une
réalité refusée et par rapport à laquelle tout notre corps s'insurge. Il faut
écumer les jours, les nuits tant bien que mal, d’ailleurs cette notion de jour
et de nuit ne veut plus rien dire. Il est une heure moins dix. Tout se noie
dans un indéfini. A chaque apparition du soleil, que peut-on encore exhiber,
retiré dans ce monde où la fiction fait oublier la réalité derrière le rideau,
dans l’attente de rien que de cette sensation d’un déluge programmé où
l’errance n’a d’égale que la générosité. Qui accueillir dans ce vaste salon
déchu, la misère du monde ne veut pas d’un sol nouveau. La folie et la sagesse
résignées, voilà ce qui fait tenir « debout ».