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Porte sur le toit
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20 juin 2008

Adel Megdiche : maître de la nuance

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Il y a dans chacune des toiles de Adel Megdiche une force mystérieuse qui a à voir avec la grâce. Il suffit de s’arrêter sur ces portraits de femmes qui occupent une grande partie de son œuvre pour y toucher un peu. On peut sans se tromper l’entrevoir à travers une gestuelle aussi précise que la pointe d’un fleuret. La tête du pinceau se promène sur le visage et la revêt d’une peau qui glisse sous la caresse. Chaque femme semble dire : je suis la première mais peut-être pas la dernière… D’autres suivent et pourtant chacune se distingue absolument singulière. Chacune d’elles a le temps au ventre. Elle le féconde et le crée de ses doigts de fileuses, de ses doigts qui sont comme des instruments au service du temps. Chacune d’elle fait cohabiter le Haut et le Bas, le chaud et le froid, le miroir et le reflet, le luxe et la simplicité. Sous leur coiffe, la beauté n’agresse pas, elle avance vers nous discrète et enveloppante. Shérazade ou madones, elles sont unes et multiples, retiennent leurs désirs derrière leurs parures de lumière. La couleur travaillée dans ses plus infimes nuances procure un jeu d’éclat subtil, velouté et tactile. Chaque touche de couleurs s’inscrit dans le feu d’un arrangement mathématique où elle contribue à donner toute son intensité. Cette lumière diffuse délicate l’ensemble de la toile où chacune des couleurs répond à son autre dans et par un dialogue qui se tisse telle une trame savamment réfléchie ne laissant rien au hasard. La beauté de la toile n’existe que dans l’intimité de ce dialogue serré entre les couleurs, propres à chaque toile. Chaque composition atteint à un absolu d’équilibre et d’harmonie au sens quasi musical du mot : rien ne saurait être soustrait sans compromettre l’unité de l’ensemble, rien ne saurait être ajouté non plus. Chaque élément du tableau, parure, étoffe, décor,.., fabrique de la nécessité. Et si chaque portrait semble dire : je ne suis pas le premier mais peut-être le dernier, pourtant les portraits, dans leur succession, délivre ce même sentiment de présent éternel. Le portrait dit : l’éternité est dans cette « posture » du présent. Dans cette attitude de ce présent-ci unique et inaltérable tel qu’il est.

La beauté ne se mesure pas. La beauté de tel visage ne se mesure pas à tel autre. Chacune de ces femmes porte la beauté et la porte différemment, selon l’accord des couleurs qui la soutienne. Accord secret et silencieux que seuls des anges ont pu entendre dans l’atelier du peintre. La beauté est une attente et chaque combinaison de couleurs la renouvelle en attendant qu’elle advienne. La patience couve sous la paupière de chacune de ces femmes que la couleur habille avec l’infinie délicatesse de celui l’a préparée. La palette de Adel Megdiche est un laboratoire complexe où se joue la destinée de ces belles en devenir. Du cerveau à la main, de la main à la toile, l’opération relève de l’alchimie.

La Renaissance, Piero de la Francesca surtout, n’est pas loin qui nous fait dire que ces portraits se présentent comme des épiphanies. Ces portraits de femmes n’appartiennent à aucun temps que nous pourrions dater. Ils cultivent précisément l’énigmatique en des signes qui ne renvoient à rien d’autre qu’eux-mêmes. Liturgie imaginaire qui emprunte à plusieurs temps et à plusieurs espaces, où tout concourt à renforcer cette puissance d’apparition. Chaque toile a force d’événement. Une mémoire se dit, un rituel se célèbre mais aucun nom, aucune référence, aucune date ne s’imposent. Chaque mise en scène nous entraîne dans une vision hallucinante. Les mains ne sont pas innocentes qui tirent les ficelles, mais ne lèvent aucun mystère. Tout au plus déroulent-elles des pistes de lecture pour ceux qui ne se résignent pas à la seule contemplation.

Et si tout n’était que volupté, art de dire la volupté en peinture. Le pinceau s’enroule et se déroule, lignes courbes s’entrelaçant, couleurs se lovant, se déployant en des cercles discrets diffusant une lumière venant du dedans vers le dehors. Une lumière multipliant la volupté qui est toujours du côté de la rondeur, de la sensation d’une rondeur qui entretient cette réserve d’ombre, ce savoir-faire de l’obscurité qu’on appelle la pudeur. Et si le mystère se tenait là où nos yeux ne peuvent se poser ? Ce savoir dont toutes ces femmes sont garantes et qu’elles portent haut, au-dessus de leurs têtes et sur elles-mêmes. Le savoir que la tradition a perpétué.

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