Quand la doxa dit vrai
Belmonte apprit à toréer « à la sauvette », importunant les marais andalous où
pâturait la lune, prenant d’assaut les troupeaux en faisant des tours de
passe-passe pour ne pas se faire repérer par des vigiles bien montés. Ce vagabond
des terreurs nocturnes défiait la corne sans se soucier des visiteurs. Devinant
le danger de l’ombre qui dansait sur le sol, il apprit à toréer à l’arrachée,
serrant les dents, la faim trouant ses talons qui ne bougeaient pas d'un iota,
économisant chacun de ses gestes par nécessité : ses jambes lui refusaient,
paraît-il, leurs services et ne le portaient que par la grâce d’être né matador.
Belmonte n’a pas démenti cette rumeur sans doute parce qu’elle devait l’amuser et qu'il y voyait une sorte de vérité ontologique. Ce qui est pour le moins assuré, c’est qu’il toréait sur un socle, tout comme
Israel Galvan, imperturbable dans la tempête de ses frappes sur le sol,
ramassé sur lui-même, bandé comme un arc, dans une immobilité
magique.