Par-dessus tout soupçon, la poésie n’est-elle pas

Par-dessus tout soupçon, la poésie n’est-elle pas ce plus pur, ce plus juste langage qui enfin autorise les choses à dire leurs mots, laisse l’être créer son verbe. La poésie n’est-elle pas ce qui renonce précisément à l’ambition de tout discours. On voudrait tellement croire à cette prodigieuse gratuité d’un verbe auquel l’être ferait don de sa présence que nous ne pouvons pas ne pas suspecter derrière cette machine à produire tant de métaphores,  l’artifice de la plus subtile technologie, le désir effréné d’aller partout, de parcourir en tous sens à la vitesse du son métaphorein dans un univers qui ne serait que mots. 

Comments

[Flâneur]

..ben..
vraiment..à(re)inventer..

[amel]

Merci pour ce poème Aude, beau. Et par-delà tout soupçon, il ne faut pas oublier cette "magie", cette alchimie qui s'opère et opère et dont vous nous faites la démonstration dans ce poème-même. Encore merci.

[@ude]

les suffrages insouciants
virevoltent dans le torrent
révolte de sens
sous les cendres du jour
flirt de vapeurs essentielles
aux genres mélangés

les présages se soumettent
aux échos du passé
griffant l'imaginaire
dans la course de l'électron
ébrouant l'existence
jusqu'à la dernière peur

alors advient la magie
fraction originelle
amplifiée à l'infini
union des charges opposées
qui transforme les effigies de plomb
en pur soleil

[amel]

On peut également penser que Rimbaud s'est arrêté d'écrire parce qu'il avait dit tout ce qu'il avait à dire, en quelques années ; sa fameuse lettre au voyant faisant comme irruption dans ce silence auquel il s'était rangé ou résigné...
S'il est vrai que nous vivons dans un vacarme de mots, dire engage, implique une prise de risque auquel celui qui se tait ne s'expose pas. Il est des silences opaques dont on se sait ce qu'ils signifient ou même s'ils signifient.
A toutes ces pistes je veux réfléchir plus avant.
Merci de vos interventions Nicolas et Andrea.
Bonne journée.

[Andrea Maldeste]

J’ai toujours eu quant à moi une espèce de défiance pour une poésie qui se voudrait pure… débarrassé de tout discours… c’est du reste une conception assez moderne de la poésie [en Europe tout au moins] … nous devons cette définition de la poésie à Mallarmé… à Valéry… avant cela… la poésie est et se veut discours… et parfois même un discours très engagé… du Mahâbhârata… à la poésie religieuse (biblique, coranique)… en passant par la poésie épique grecque et romaine… la poésie est discours…
La pureté est-elle de ce monde ? Existe-il même un seul mot pur ? Le silence oui est peut-être pur… encore que… c’est peut-être d’ailleurs ce qu’avait compris Rimbaud en finissant par renoncer à dire… encore que la lettre du « Voyant » opte clairement pour une poésie engagée… Il y aura toujours trop de mots si c’est la pureté qui est visée… car oui alors… le silence est peut-être ce qu’on pourra faire de mieux… car « si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence… tais-toi… »