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Porte sur le toit
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12 décembre 2008

Réponse à PP Lemoqueur et à Christiane

Reproduction imprimée de  Montagne Sainte-Victoire

Cézanne occupe une position charnière dans l'histoire de la peinture, et en ce sens il est le premier, oui, le premier à accomplir la représentation de l'espace dans le plan. Aucun autre peintre n'avait peint plus "à plat", c'est-à-dire sur le seul plan de la toile et rien que ce plan même, refusant tout prestige par lesquels d'autres artistes si habiles à "rendre" l'espace n'ont réalisé que de l'architecture en couleur. Mais en même temps qu'il révoque tout artifice ou faux-semblant, Cézanne nous fait appréhender la spatialisation archaïque de la perception. Cela nous fait l'effet d'un arrachement ou d'un refoulement des choses lorsque s'écrasant sur l'oeil, les choses commencent à s'éloigner. Concrètement: cette manière de peindre sur le seul plan, par petite touche brossée, nous donne l'impression que ces visions de L'Estaque ou de la montagne bleue se dressent telle une mer verticale, un "toit" peu tranquille, contrairement à celui du poète, toute plate et debout sur le plan de la toile, brossée d'un seul bleu pâle : surface tendue, désert rigide comme d'un métal mat, dont le dépouillement accuse un incroyable ascétisme. De là peut-être proviennent ces sensations d'ennui, car on devine combien il fut laborieux pour le peintre de peindre ainsi touche par touche, pour gagner toute la surface de la toile.

D'autre part, débarrassé de la perspective entendue comme espace préexistant aux choses, on ne peut que reconnaître que Cézanne déforme, voire abîme la forme des objets. D'où ces tensions diffuses entre les choses qui se disputent leur site et font que l'oeil du spectateur n'a plus d'entrée libre, il ne sait plus comment se véhiculer dans la toile. La lecture en devient difficile. L'oeil a besoin de direction de lecture sous peine de se détacher, et du détachement à l'ennui... Précisément, chez Cézanne, l'écart entre les choses n'est pas encore fixé (d'où cette impression de flottement évoqué dans les commentaires du précédent post) et de fait leur distance par rapport au regard n'est pas décidée (d'où également ce sentiment étrange d'extériorité pourtant toute intérieure : à la fois hors et en nous, l'espace, les choses et l'oeil semblent endogènes, se produisant les uns les autres dans une sorte d'immanence. D'où vient peut-être encore une fois, notre malaise, et ce sentiment d'étrangeté.

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