Lettre de Nicolas de Staël
À Douglas Cooper Antibes, janvier 1955
Cher Douglas,
Je vous réponds un peu plus sérieusement à votre lettre si gentille du 11 janvier.
Ce qui est important dans ce que vous dites, c'est que vous donnez un aspect de votre avis alors que la peinture, la vraie, tend toujours à tous les aspects, c'est-à-dire à l'impossible addition de l'instant présent, du passé et de l'avenir.
Les raisons pour lesquelles on aime ou l'on n'aime pas ma peinture m'importent peu parce que je fais quelque chose qui ne s'épluche pas, qui ne se démonte pas, qui vaut par ses accidents, que l'on accepte ou pas.
On fonctionne comme on peut. Et moi j'ai besoin pour me renouveler, pour me développer, de fonctionner toujours différemment d'une chose à l'autre, sans esthétique à priori.
On accorde fort, fin, très fin, valeurs directes, indirectes, ou l'envers de la valeur, ce qui importe c'est que ce soit juste. Cela toujours. Mais l'accès à ce juste, plus il est différent d'un tableau à l'autre, plus le chemin qui y mène paraît absurde, plus cela m'intéresse de le parcourir.
Impressionniste, je ne sais ce que cela veut dire.
In "Lettres" éditions Ides et Calendes
Nicolas de Staël, "Fort carré d'Antibes, 1955"