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Porte sur le toit
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14 juillet 2009

Pascal Quignard à toit ouvert


Pascal Quignard démonte les oppositions, il les a toisées. Son travail d'écriture et sur l'écriture a donné vie à une" œuvre ouverte" selon la formule de Blanchot. On ne sait pas toujours bien vers où cette écriture nous mène et où elle se destine - le sait-elle elle-même? -, prenant racine dans un non-lieu, cette écriture participe du fragment, d'une sorte d'architecture à claire-voie, perméable aux courants d'air du passé-présent (le trait d'union évoque ici ce qui ne peut être dit). Passé présent  qui se confrontent, se conjuguent, se font des scènes comme s'il en était d'un très vieux couple... Autant vous dire la difficulté à trouver les mots pour dire le silence auquel ils tendent... Il faut le suivre dans ce renfoncement, là où le silence nous est promis derrière cette incroyable érudition, d'un classicisme baroquisant. L'on entend la voix de Kathleen Ferrier interprétant les lieder de Schubert. Passage impromptu d'un mode à l'autre, mineur-majeur, passage imperceptible vers cette "voix de cristal et de brume" qui fait entrevoir l'ombre de la serpe. L'auteur ne cherche plus à déterrer les colonnes du savoir enfouies dans la nuit des temps, sa textualité sent l'ailleurs qui est encore mal dire... une moissonneuse temporelle a traversé la solitude de son royaume... Une voix forgée au glaive pelliculé de cendres s'est voilée comme celle de cette autre disparue, spectrale et impérissable, ce sont les mots de Bonnefoy qui font écran à tout ce que je pourrai dire sur Pascal Quignard. Ce qu'il écrit ne peut être désigné que par d'autres voix qui ont cogné contre mes tempes. Rien de ce que je pourrai dire ne peut permettre de l'approcher. Il est même à se demander si la question de l'accessibilité de son écriture se pose. Comme si on ne pouvait que bégayer en marge de cette écriture, laquelle ne cherche plus à croiser les vanités dont il s'est dépouillé comme d'un manteau si oppressant qu'il aurait fait disparaître celui qui le porte, croit-on. La marche de son écriture, son pas ne sont pas hantés par ces épouvantails déroutés qui sillonnent les départementales et les grandes voies du savoir, qu'ils soient soldats ou lieutenants, auxiliaires ou chefs de camps, hypostasiés par leur propre image en déréliction, se célébrant eux-mêmes, encore et toujours, en chantant à tue-tête, peut-être pour ne plus avoir à écouter ces voix d'outre-tombe comme celle justement de Kathleen Ferrier. Il faut avoir renoncé à l'angoisse et à l'inquiétude pour que de son toit tombent de si beaux fragments pulvérisés par sa langue, il faut avoir vaincu son propre vertige intérieur pour lire : Vie secrète, Le dernier royaume et Abîmes. Tout ce que l'on dira autour de ses livres n'a pas beaucoup d'importance. Et si ça se trouve, il s'en fout.

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