Israël Galvan réédition : l'épure....
Comment
parler d’un homme qui s’est « élancé » vers l’Absolu. Surtout si cet homme ne
se veut pas seulement un réformateur de cette exigence-là, mais porte toute la
force de sa conviction, de son obstination à ne jamais pactiser avec autre
chose que cet élan. Pas de compromis théorique ou spirituel possible pour ce
caractère d’aigle qui survole notre terre à haute altitude sans quitter le sol,
l’économisant, économisant ses propres gestes pour nous laisser entrevoir ce
que serait le vrai silence, après l’apocalypse. Chaque geste sculpte dans
l’espace cette volonté d’absolu, la sienne propre qui est celle aussi du flamenco.
Cette grâce, ce don faits à Galvan d’être l’acteur de l’invisible, tout son
langage gestuel en témoigne, dans cette façon de s’exprimer avec l’aisance de
ceux qui savent et ramassent le savoir en une pluie de lumière née du
frottement incisif du pied déchirant l’espace en deux…. Il danse à satiété dans
un dessèchement de plus en plus austère, dans une langue dense et secrète, qui
ne peut-être animée que par un grand amour. Sans cet amour, où trouverait-il la
force primordiale d’aller à l’extrémité de tout mouvement, l’après du
mouvement… Là où il ne passe plus rien, là il nous fait appréhender ce plus
rien. Un corps amoureux en vaut deux dit le poète, qui d’abord vit dans l’éveil
de tous ses sens, au point de ne plus savoir ce qu'il en est de ce corps
"sien". Epuisant le geste dans une intériorisation de plus en
plus intime, le geste de Galvan devient sa propre épure : le stade ultime de la
lithographie des taureaux de Picasso, quand la chair s’amenuise laissant place
au trait, un trait si léger, presque aérien mais qui retient en lui toute la
puissance du taureau, son énergie vitale. L’espace se déchire, là où le
couteau creuse un sillon en feu. Galvan torée sans muleta, métamorphosée en
linceul diaphane de l’entre-deux de l’outre-espace, là où son geste ne peut que
se former… Il faut pour le suivre passer d’un espace l’autre, se confectionner
un corps amoureux.